La boutique de la rue du Roi-de-Sicile, qui est devenue un point central de la vie lesbienne à Paris, souffle ses cinq bougies. Delphine, patronne de Dollhouse avec sa compagne Caroline, revient pour TÊTUE sur l'ouverture du magasin, le marché du sexe, la clientèle lesbienne...
TÊTUE: Pourquoi avez-vous décidé d'ouvrir Dollhouse il y a cinq ans?Delphine: Caroline et moi cherchions où acheter des toys adaptés à notre sexualité mais à l'époque c'était très dur à trouver. Nous avons donc voulu créer une boutique dédiée aux femmes et plus particulièrement aux filles homos. Le fait d'être dans le Marais, à côté des bars lesbiens, était très important pour nous: nous avions envie de participer au développement d'un quartier pour les filles, rattraper notre retard sur les gays et montrer que, nous aussi, on existe!
Avez-vous rencontré des difficultés lors de l'ouverture de la boutique? Oui, car il n'y avait rien du tout à l'époque, hormis le réseau des sex-shops comme ceux que l'on trouve à Pigalle. Il a été difficile de convaincre les banquiers mais il a surtout été compliqué de trouver des fournisseurs. Par exemple, au début nous avons eu beaucoup de mal à trouver les produits Fun Factory, qui sont très colorés, ergonomiques et plaisent beaucoup aux filles. Nous avons contacté la marque qui nous a renvoyées vers son «distributeur» français: c'était un graphiste, rue des archives, qui avait un carton de quelques toys posé à côté de son bureau. Autant dire que c'était rudimentaire! Heureusement, le réseau des distributeurs hors sex-shop «classiques» s'est mis en place et a grandi en même temps que nous.
Par ailleurs, le milieu du sexe est hyper masculin, vraiment tenu que par des hommes. Certains se disaient «C'est quoi ces nénettes, qui en plus sont lesbiennes, donc frustrées? Cette histoire va durer un an, tout au plus». Pour eux, le sexe est une affaire d'hommes. Mais je suis fière aujourd'hui de constater que nous sommes toujours là alors que d'autres ont fermé.
Quel accueil vous ont réservé les lesbiennes?Il a été plutôt favorable car les clientes se reconnaissaient dans les produits. On se revendique vraiment comme une boutique lesbienne donc nous avons proposé des produits que les filles ne trouvaient pas dans le réseau classique: un large choix de harnais de qualité, des doubles dildos ou des doubles dongs qui s'adressent vraiment aux femmes. Bien sûr, il y a toujours des lesbiennes qui sont hostiles aux sextoys. En cinq ans, on a pas mal ramé pour expliquer que ce n'était pas parce qu'on utilise un dildo que l'on est une hétéro frustrée. Nous avions vraiment envie de faire passer le message que la sexualité est quelque chose de drôle, avec lequel il faut s'amuser. Beaucoup de femmes sont venues avec des idées très arrêtées. Puis elles ont changé d'avis. C'est aussi notre travail de les accompagner dans cet éveil à des plaisirs différents.
Les gays sont souvent présentés comme un marché rentable, que les publicitaires aiment parfois courtiser. Mais pas les lesbiennes. Y-a-il un «marché lesbien» à part entière?C'est vrai que les lesbiennes ne consomment pas beaucoup, qu'elles n'ont pas toujours un niveau de vie aisé. Mais il y a bien une clientèle lesbienne, qui constitue 50% de nos acheteurs. Par ailleurs, certaines filles voulaient un espace spécifiquement lesbien. C'est pour répondre à cette demande que nous avons créé le site Madame L. Ce qui est drôle c'est que le fait d'être une boutique lesbienne nous a aussi donné une légitimité: il y a des hétéros – femmes ou hommes – qui viennent chez nous parce qu'ils se disent que nous sommes les personnes qui connaissent le mieux le corps de la femme!
Comment allez-vous célébrer cet anniversaire? Nous organisons un cocktail mardi soir, et surtout nous lançons en exclusivité (mondiale!)
le nouveau toy de Fun Factory, Yooo. C'est un stimulateur super ergonomique constitué de trois boules: une qui sert de manette et les deux autres qui se lovent sur le clitoris et l'entrée du vagin (ou sur le périnée et l'anus pour les garçons). Il est très efficace!
Photos: Gilles Rammant.
http://www.tetu.com/actualites/france/le-sex-shop-lesbien-dollhouse-celebre-ses-cinq-ans-18224